Origines du projet
Le premier pas sur la Lune s’est tout d’abord invité dans nos recherches alors que nous travaillions en 2017 sur Camarades. Nous repérons l’événement comme un sujet de recherche en soi. Ensuite, il y a eu ce sentiment d’un complotisme montant en France, avec d’une part le rejet d’un vaccin, et d’autre part, notre découverte de théories complotistes toutes plus invraisemblables les unes que les autres (la terre est plate
; le monde est dirigé par des reptiles…). Enfin, il y a la découverte collective d’un film documentaire inspirant (Opération Lune, William Karrel, 2002), documentaire jouant le vrai-faux parti-pris que les images du premier pas sur la Lune ont été tournées en studio et réalisées par Stanley Kubrick avec la complicité de la NASA sous fond de Guerre Froide. Tous ces éléments concourent à choisir cet événement pour notre nouvelle création, événement qui a fait vibrer nos parents et qui fait aujourd’hui douter nombre de nos contemporain·es. En France, en 2022, une personne sur vingt ne croit pas que l’homme ait marché sur la Lune. Pourquoi remettre en cause ce qui semble être une évidence ?Le rêve d’enfant
Nous souhaitons créer un théâtre jubilatoire. Un théâtre d’objet filmé avec des effets spéciaux bricolés à vue. Un théâtre qui s’amuse à recréer un moment fort du XXe siècle. Quand nous pensons au premier pas sur la Lune, nous imaginons les enfants qu’étaient nos parents devant leurs télévisions en noir et blanc. Nous souhaitons faire revivre aux spectateurs et aux spectatrices ce moment en le reconstituant avec notre bric-à-brac, avec nos objets détournés de leurs usages, avec
des caméras et des écrans, avec des images d’archives filmées pour recréer un film d’animation en direct. Nous allons rejouer le décollage, la vie dans la capsule, l’alunissage du module et les sauts en pesanteur lunaire.Complotisme ?
D’autre part, il nous est difficile aujourd’hui de faire face aux sphères complotistes et conspirationnistes. Quelle réaction peut-on adopter ? Se moquer peut renforcer les adeptes du complot dans leur posture
de défiance. Que faire ? Un spectacle de théâtre pour dédramatiser. Un spectacle pour s’adresser à toutes celles et ceux qui pourraient basculer. Un spectacle pour prendre du plaisir à démêler les vérités scientifiques. Un spectacle pour aiguiser son esprit critique et se laisser aller à croire en ses rêves.Aller sur la Lune : une contradiction ?
Ce fut un acte géopolitique, historique et philosophique. Aujourd’hui,
la conquête spatiale revient sur le plan médiatique comme un enjeu majeur. On peut considérer d’un côté que c’est une formidable aventure scientifique. Cette quête nous aide à comprendre l’Espace, et tente
de répondre à une question existentielle. Pourquoi habitons-nous sur Terre ? D’un autre côté, c’est une énième débauche de moyens et d’énergies dans un monde en proie au changement climatique. Alors pourquoi vouloir retourner sur la Lune alors qu’il y a tant de problèmes à régler sur Terre ? Les astronautes, sous l’effet de surplomb, l’affirment : il n’y a qu’une seule planète pour l’humanité, c’est la Terre. Les solutions sont sous nos yeux et pourtant l’homme regarde vers le ciel.PROCESSUS DE CRÉATION
Sur la construction du récit et de la dramaturgie
Nous écrivons pour et avec l’objet. Pour nos dernières créations,
nous avons utilisé le sucre, la poussière de craie et les matériaux de construction, la brique, le bois. De Frères à Joueurs, en passant par Camarades, nous avons développé une écriture fondée sur les liens entre l’histoire intime et politique. C’est une écriture en quatuor. Nos spectacles s’écrivent au plateau. Chacun prépare, en fonction de la thématique choisie, des improvisations, des scènes, des bouts de textes et d’idées. Au plateau, ces « matières » sont montrées au collectif de mise en scène. Sans y projeter les mêmes visions, les matières sont partagées à partir du moment où elles sont vues. Nous faisons, ensuite, des choix collectifs sur ce qui nous intéresse, sur ce qui nous a marqués, touchés ou percutés. Finalement, nous construisons nos histoires sans savoir où nous allons au préalable. Une partie de notre travail réside à
se mettre d’accord sur ce que nous voulons dire. C’est une enquête, faite de recherches documentaires et d’entretiens avec des personnes liées aux sujets choisis. Nous partageons ce que nous découvrons. Ces débats de scénaristes, nous les avons exploités dans la construction même de la dramaturgie, créant ainsi une double quête, celle de nos personnages et celles de nos narrateurs – Frères, c’est autant l’histoire d’un grand-père anarchiste espagnol que l’histoire de ses petits-fils face à son histoire. Au fil des créations, plus nous travaillons l’objet, plus
nous sommes convaincus qu’il faut que les matériaux choisis soient indissociables du sujet. L’objet et les matériaux sont des partenaires. Nous ne pouvons pas les dissocier du texte, des mots. Comme le dit l’adage « le fond, c’est la forme qui remonte à la surface. » Nous aimons les analogies entre le théâtre d’objet et la bande dessinée à ce titre. Pour Subjectif Lune, nous invitons un nouveau médium dans la recherche. La vidéo viendra bousculer nos manières de faire et nous l’espérons ouvrir de nouveaux imaginaires.
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