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la dernière battue

la bagarre cie

À voir sur RéciDives 2024

Crea
2024
Résidences & coproductions

Note d'intention

Les questions autour de ce qu’est la nature abondent à une époque où l’urgence écologique est brûlante, où les dogmes de l’hétéronormalité sont mis en branle. Qu’appelle-t-on nature ? Est-ce tout ce qui est de l’ordre du non-humain, du sauvage ? Comment faisons-nous partis de cette nature ? Et comment ce concept sert à condamner des relations non hétéronormées, en les qualifiant de contre-nature ?

Le texte de Magalie Mougel parle de l’homosexualité dans un milieu rural, et plus particulièrement dans un milieu de chasseurs. Issues toutes deux de la campagne Normande, nous souhaitons nous emparer de ces question et penser la nature comme quelque chose à questionner. Il nous parait es- sentiel de la sortir des dogmes qui l’enferment, qu’ils soient motivés par la protection, ou par la traque et l’exploitation de ce qui la compose. Il nous plait de la penser vivante, muable. L’autrice met en avant un champs lexical important de la nature comme matière organique dans lequel l’amour des jeunes femmes naît. Cette relation est pourtant condamnée par les chasseurs : ils la considère contre-nature et déshonorante.

En gardant le texte dans son intégralité, le spectacle propose de prolonger le propos de Magalie Mougel : les personnages humains se trans- forment en oiseaux grâce aux marionnettes et à l’anthropomorphisme. Ils deviennent l’extension de cette nature vivante et complexe : voici des oiseaux qui s’aiment, qui se chassent, qui chantent. Le chant, justement, est aussi le médium à travers lequel les oiseaux s’expriment. Tandis que certains roucoulent leur amour, les autres, chasseurs, chantent leur puissance et leur appartenance au groupe. L’esthétisme de la terre, du feuillage, du plumage, ainsi que le chant permettra une respiration là où l’histoire est tragique est difficile.

Extrait du texte

« Je glisse encore ma langue dans sa bouche.
Je voudrais la dévorer toute entière. (…)
La manger à pleine bouche.
La terre dans la bouche.
Le bois dans la bouche.»

« HFIZ !
Allongée derrière le tas de bois.
Chair blanche visage bleuté
Elle dort,
De la terre sur les mains,
Des aiguilles de sapins sur ses joues blanches comme des coulemelles
Du sang se glissant déjà le long de sa nuque et de ses cheveux
courts et frisés un fusil de chasse tombé sur sa poitrine. »

« Moitié horreur, moitié beauté,
J’avais encore envie de la dévorer
D’enfouir ma tête dans la profondeur de son ventre
de l’aimer encore une heure dans le froid
dans la blancheur d’un matin de brume ruisselante.
Et je l’ai fait.»

Marionnettes
L’utilisation de la marionette portée permet à la manipulatrice tantôt de faire corps avec la marionette, tantôt d’exister dans le récit pour incarner les personnages. Ces différents rapports d’échelle entre les comédiennes et la marionnette mettent en scène des temporalités différentes. Le désir, l’amour et le rejet entre les personnages s’inscrit également dans ce corps à corps.

Ombres
La technique de l’ombre servira à présenter la distance du souvenir, qu’il soit traumatisant ou réjouissant dans l’histoire. Elle créera un focus sur un moment de l’histoire. Dans le spectacle les ombres seront projetées sur des écrans de taille moyenne, qui sortiront et se réenfonceront dans la terre. Esthétiquement, l’ombre permet une évidence visuelle tout en créant l’illusion d’une réalité trouble par la forme volubile.

Chant
Le chant est utilisé sous diverses fonctions pour La Dernière Battue. La reprise du chant «Oiseaux insectes et bêtes sauvages » tout au long du spectacle crée un leitmotiv. Comme deux oiseaux qui reprennent la même ritournelle, le chant se décline sous différentes formes. D’abord chanté comme une petite comptine entre deux amantes, il exprime la tendresse et le jeu des amoureuses. Puis il est repris, comme une persistance de cet amour malgré la menace. Enfin il revient une dernière fois : il trace la mémoire d’un amour condamné. Par ailleurs, le chant permet d’affiner l’identité des personnages, notamment celui des chasseurs, comme groupe menaçant et guerrier. Le chant est alors synonyme de puissance et d’affirmation d’une identité. Il annonce l’oppression et la violence dont vont être victimes les deux femmes.

Scénographie.
La forêt pour décor.
La scénographie évolutive sera une compagne de l’histoire, le public dès son arrivée sentira une odeur de terre fraiche et l’ambiance boisée. Le texte fait appel au champ lexical de la forêt. Nous souhaitons qu’elle soit prèsente, en cohérence avec nos choix esthètiques autour des humains-oi- seaux. Nous imaginons l’endroit du jeu comme un être à part entière qui délivrera au fur et à mesure du jeu des éléments servant le propos. Les marionnettes et les écrans de projection apparaîtront et disparaîtront à travers la terre. Le fond de scène sera mouvant pour permettre une évolu- tion de la forêt en lien avec l’histoire.