Aller au contenu
Crea
2025
Résidences & coproductions

NOTE D'INTENTION

Je suis la petite fille de Michel, résistant du réseau Hector dans le Perche et déporté à Mauthausen entre 1943 et 1945.
Toute ma famille est impliquée, de près ou de loin, dans le travail de mémoire de la déportation.
J’ai rencontré depuis que je suis toute petite des anciens déportés, des veuves, des enfants de déportés, qui racontent.
Des gens toujours très actifs dans la transmission de la mémoire, pour des raisons communes et individuelles, politiques et psychologiques. L’écoute de ces récits, de ces paroles, est toujours un moment très particulier pour moi. Cela me fait une grande impression, je suis réceptive et en même temps extrêmement active : c’est vivant, c’est dans le présent, c’est comme s’il y avait de la vibration, dans l’air et dans les corps. Parce qu’ils ne ressassent pas : il ne s’agit jamais d’une intention de conserver le passé et le récit du passé tel quel, pour simplement archiver et stocker de l’information. Si archives et traces sont primordiales, si les récits du passé sont au coeur d’une démarche qui leur demande une énergie et un temps énormes, c’est parce que la mémoire est un outil pour le présent. La mémoire est un travail politique familial, familier pour moi. J’ai grandi avec des récits, des lieux, des objets liés à la Seconde Guerre Mondiale. Mais cette histoire-là, celle des massacres de Tirailleurs Sénégalais par les nazis dans les années 40, je ne la connaissais pas : on ne me l’avait jamais racontée, ni dans ma famille, ni à l’école. Comme si cela ne nous concernait pas. Des historien-nes ont bien entendu travaillé sur les forces coloniales et sur la vague de massacres de 1940, mais cela n’était jamais parvenu à mes oreilles, et à Rouen, rien n’avait été fait. La constatation de mon ignorance a beaucoup résonné en moi avec les résultats des dernières élections, et la montée de l’extrême-droite fascisante en France et en Europe. Je pense que la mémoire est ce qui nous permet de faire des liens, de faire du sens, de poser des repères, de prendre en compte la complexité du monde dans lequel nous vivons. Avoir la mémoire courte, c’est extrêmement dangereux pour le présent. Et à force de ne pas interroger notre capacité à oublier, nous oublions de regarder les autres dans toute leur humanité. Je pense que la scène est un lieu propice à questionner, à éclairer : c’est comme un laboratoire où le politique et le sensible peuvent se rejoindre pour mieux penser les zones d’ombres, les zones vers lesquelles nos yeux du quotidien ne daignent pas regarder. Il faut raconter cette histoire parce qu’il faut se demander pourquoi cette mémoire-là n’est pas (suffisamment) transmise ; et dès que cette question surgit en vient une autre : pourquoi cette mémoire nous est- elle nécessaire ? Quel rôle a-t-elle pour construire le présent ? Quels points de repères pose-t-elle ? Notre spectacle s’inscrira dans la transmission de cette mémoire.

PS : ce texte a été écrit avant que l’on commence à travailler. Maintenant que l’on a commencé, je constate que l’on ne fait pas que « raconter cette histoire à notre tour » : nous poursuivons l’enquête. Nous avons retrouvé des descendants de personnes tuées ou survivantes, qui sont héritiers de ce qui a été raconté par leur parent, ou de ce qui n’a justement pas été raconté. Ce travail de fabrique de l’histoire en parallèle de l’écriture du spectacle nous pousse à travailler à partir des trous, et des absents.

Distribution

Mise en scène Lou Simon
Interprétation Arnold Mensah et Clémentine Pasgrimaud
Dramaturgie Karima El Karraze et Lou Simon
Scénographie Cerise Guyon
Création musicale et sonore Mariama Diedhou et Thomas Demay
Création lumière Romain Le Gall Brachet
Administration Viridiana Ferrière
Diffusion Mariana Rocha et Xavier Ouzounian

Soutiens

Soutiens et coproductions Le Sablier – CNMa, Ifs et Dives sur Mer | Le CDN de Normandie – Rouen | Le Passage – Scène d’Intérêt National, Fécamp | ODRADEK – Compagnie Pupella-Noguès – LCMC – dans le cadre du dispositif compagnonnage | L’Hectare – territoires vendômois – CNMa | Le Théâtre de Chartres | Le Tas de Sable – Ches Panses Verte | le PIVO | Festival Théâtral du Val d’Oise | Le 37ème Parallèle, Tours | Festival Marto, Val de Marne | DRAC Centre Val de Loire | Département Seine Maritime | Département du Val d’Oise.
Ce spectacle est soutenu en diffusion par la convention Région Centre Val de Loire | Onda, ScenOcentre jusqu’en août 2025.

En téléchargement