Point de départ
Nous partons du constat qu’une majeure partie de notre société ne croit plus en la démocratie telle qu’elle se pratique aujourd’hui. Nous-mêmes, nous nous sentons parfois désabusées et insuffisamment engagées politiquement, voire dépassées par la multitude de combats qu’il y aurait à mener en parallèle d’une vie déjà bien remplie. Ô rage ! Ô désespoir ! Ô lassitude et culpabilités ennemies ! Nous souhaitons nous emparer de la question de la motivation de l’engagement citoyen. Nous chercherons aux côtés des jeunes les doutes, les interrogations, l’indignation et la colère qui motive, celle qui rassemble et fait sens. Pour faire face à cette priorité du capital économique, de l’individualisme grandissant et du découragement électoral, il semblerait qu’il y ait quelques lueurs de motivations, des implications toutes autres pour aborder notamment les questions du climat ou encore les sempiternelles injustices sociales. Pour ce sujet, il nous semble évident de sortir des théâtres pour d’aller à la rencontre d’autrui et prendre position avec lui dans l’espace public. Entre drame, fantaisie, inspiration héroïque et humour, nous souhaitons questionner ce qui motive l’implication aujourd’hui. Quelle est la liberté d’agir et les réponses qui y sont faites ? Comment lutter contre la répression ? Entre révolution et non-violence, comment défendre des propositions de citoyen.ne.s quand la menace nous fait face ?
L’écriture
Nous irons creuser du côté de la période historique de la Révolution et plus particulièrement de la figure d’Olympe de Gouges avec notamment ses prises de positions politiques qui dérangent. Elle n’aura cessé toute sa vie d’être à l’écoute des personnes fragilisées (liberté de la femmes, liberté des esclaves, accueil des chômeur.se.s, …). Partant de cette figure, nous proposons une rencontre avec la jeunesse au présent. Par le point de vue de nos jeunes d’aujourd’hui, nous souhaitons faire un grand pont entre l’histoire singulière contemporaine et une période de révolte dans l’Histoire. Avec Julie Aminthe, autrice, nous travaillerons l’écriture et la dramaturgie de cette aventure dans l’espace public. Celle-ci invite à écrire différemment d’un texte pour la salle.
Nous proposons à Julie d’aller puiser dans des textes d’autres auteur.trice.s. Ce spectacle sera composé d’une écriture de style et de forme fantaisiste très libre, telle une forme rhapsodique, tels différents tableaux. L’intérêt est de traverser des situations multiples. Julie accompagnera les répétitions sur chaque résidence et pour affiner le travail d’écriture, nous souhaitons pouvoir tester les interactions possibles avec le public.
Le rapport au public
Pendant la phase de création, nous irons à la rencontre des jeunes lycéen.ne.s et étudiant.e.s de tous horizons. Par le biais d’ateliers d’écritures textuelles et musicales et d’interviews nous cherchons à être au plus proche de leur réalité et de leur perception de l’engagement citoyen et de la démocratie. Une fois créé, le spectacle mettra en œuvre des situations dont le public sera témoin et acteur. Nous souhaitons interagir avec lui, le faire bouger dans l’espace, l’amener à prendre position, prendre parti et s’impliquer. Nous voulons l’écouter, le sonder, expérimenter avec lui en direct comment se rassembler, faire chœur, construire ensemble une parole et un espace commun. Des plages d’improvisations au plateau seront donc présentes. Ce spectacle cherche à traverser de multiples émotions. Le principe sera de flirter parfois avec le drame et d’étendre une motivation par la joie du collectif et l’énergie débordante.
L’espace public comme scénographie
Les recherches nous mènent sans aucun doute vers un théâtre pour l’extérieur, la rue étant l’espace aussi pour clamer la revendication. Nous avons besoin d’aller à la rencontre plus directe du public et faire appel à la prise de position en espace public avec le public. La rue fera décor mais nous souhaiterions aussi la rendre actrice du spectacle. La liberté de se rassembler dans l’espace public reste une question d’actualité renforcée par la crise sanitaire. La restriction des libertés et l’exacerbation de la peur font que nous nous habituons progressivement à rester chez nous, voir peu de monde, à s’isoler, à l’aberration de demander l’autorisation de se rassembler. Un coin de bitume plat sera nécessaire pour cette intervention, une place, une cour, une rue. Nous proposons à Cerise Guyon, scénographe, de réfléchir avec nous sur une modulation de l’espace. Comment questionner et réinventer un lieu public ? Comment transformer l’espace public hostile ? Comment permettre un rassemblement évident ? L’idée étant de faire évoluer un espace qui permette de se rassembler (voire de se sentir protégé.e, respecté.e, écouté.e). Laisser une trace semble important avec ce sujet, sans doute quelques affiches, slogans et d’autres surprises marqueront la mémoire.
Une esthétique de la Révolution au flashball
Nous rêvons de faire se côtoyer l’aspect historique de la période révolutionnaire et notre monde d’aujourd’hui. Par le biais d’un kit démocratique, nous souhaitons travailler sur le symbole et l’héritage de la démocratie. Le vintage charmant pour certains peut rimer avec désuétude ou has been pour d’autres, c’est la rencontre des générations. Ainsi, au plateau seront sans doute extirpés de ce kit des objets en tous genres : du drapeau au flashball, en passant par la banderole, le pain ou l’objet de surveillance. Toucher et jouer avec les symboles liés au pouvoir et à la démocratie est une envie de liberté d’action artistique, une action possible non violente.
Vers un théâtre d’objet et de figures
Le théâtre d’objet permet de développer un univers loufoque et poétique. Il utilise le symbole et différentes figures de style comme la métaphore ou la partie pour le tout. Il flirte avec l’univers de la BD ou du cinéma pour travailler des plans larges et des plans serrés. Côté marionnette, il faut savoir qu’historiquement quand la censure agit, il devient naturel de passer par la musique puis par le mime et enfin par la marionnette. La marionnette représente la parole libre qui agit. La convention entre le spectateur et la marionnette, induit une complicité et le rend actif. Nous souhaitons fouiller l’évocation de la figure et travailler sur les échelles pour permettre une vue d’ensemble. La matière, l’objet et la marionnette au sens large pourront faire apparaitre des personnages et côtoyer le jeu des acteur.trice.s. Ces personnages auront un rôle à jouer comme moyen d’expression pour véhiculer une parole. À ce jour, les techniques et leur esthétique propre ne sont pas encore définies (à venir dans les labos de 2022). Néanmoins la pertinence et la finesse du travail d’Amélie Madeline, factrice de marionnette, ne sont plus à prouver.
Musique live
Nous chercherons la musique élaborée en direct au plateau, telle l’accompagnante de la parole vrombissante, tel le roulement de tambour qui gronde, telle celle qui emporte la foule, rassemble, revendique, émeut… C’est Héloïse Divilly, excellente batteuse et percussionniste joyeuse et sensible, qui sera avec nous au plateau. Elle expérimentera tout au long du spectacle la recherche d’une place autour de l’objet et des acteurs dans l’espace et plus particulièrement l’interaction avec le public pour faire chœur et rassembler. Au préalable, un travail de terrain sera effectué avec les adolescent.e.s et les jeunes adultes pour faire se côtoyer la musique révoltée d’hier et d’aujourd’hui, entre « ah ça ira les aristocrates à la lanterne » d’Edith Piaf et Orelsan, tout un panel de possibles musicaux !
Une équipe de femme pour un sujet politique, un détail ?
De prime abord, en tant que femmes, nous nous sentons peut-être moins légitimes d’aborder le sujet de l’engagement et de la démocratie. Une société apaisée ne va de pair avec le fait que si chaque individu est l’égal de l’autre. L’idée sera donc d’affirmer ensemble des possibles et respecter des points de vue divers propres au sujet traité, chacune étant personnellement à son endroit d’affirmation d’actions, néanmoins avec un partage de valeur communes. Nous nous sentons légitimes de porter un regard sur un sujet qui pourrait avoir une tendance peut-être plus masculine. C’est un travail d’oser le dire, oser ne pas tout savoir et faire avec, en bref, tenter l’expérience par le collectif. Pour autant, au plateau il n’est pas nécessaire qu’il n’y ait que des femmes, la mixité est en cours de réflexion.
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