Après DADAAA (2 ans et +) autour de l’œuvre de l’artiste invisibilisée Sophie Taeuber-Arp, Amélie Poirier s’inspire de femmes photographes américaines des années 60 à 80 pour créer en collaboration avec la photographe contemporaine française Lucie Pastureau : une déambulation installative. Il y a donc l’idée de faire sortir l’image de son cadre pour la révéler. 20ème RUE OUEST sera un parcours initiatique , chorégraphique et marionnettique portée par l’énergie rock de l’époque et inspiré à la fois par les marginaux photographiés par Diane Arbus dans une relation au mouvement guidée par l’œuvre d’une autre photographe : Francesca Woodman. Dans son travail : la disparition des corps ou encore le miroir reflétant et déformant se joue d’une identité en fragments.
Dans cette déambulation, une photographe-marionnettiste guidera le public à la rencontre de personnages hors-normes, en mettant en mouvement les photos en deux dimensions. On y retrouvera : un géant, des jumelles, un bébé qui traverse de grandes émotions, un travesti, des nudistes, un.e artiste de cirque etc.
Diane Arbus, comme Alice aux Pays des merveilles, se demandait : qu’est ce qu’être normal ? Anormal ? Qu’est ce que l’animal ? L’humain ? Quelle est la différence entre la réalité et la croyance ? Tour à tour le public par les différents chemins qu’il sera amené à emprunter, déambulera dans les espaces marginalisés des villes, happé par l’énergie rock, révélant la beauté incongrue d’architectures ou de paysages au bord du précipice.
J’imagine ce travail comme chorégraphique et marionnettique, dans le sens où un intérêt particulier sera accordé à la rencontre entre les corps et les formes marionnettiques contemporaines.
Cette recherche fait suite à ma rencontre avec les formes animées et en particulier avec le théâtre d’ombre (que j’entends ici dans une appellation très large) que j’ai pu appréhender lors de ma formation au sein du DESS en théâtre de marionnette contemporain de l’UQAM à Montréal. A travers des impressions photo sur calques, nous travaillerons notamment sur des jeux de transparence, l’apparition et la disparition des corps, le flou que racontent très bien de manière sensible le travail de la photographe Francesca Woodman. En outre, les jeux d’échelles, le caractère potentiellement monumental de ces jeux de projection, apparition, disparition permettent de se déployer dans toute sa grandeur en espace public, en relation avec les bâtiments et les architectures en présence. Les corps quant à eux, apparais- sent et disparaissent derrière ces calques, mettant en mouvement les images par des jeux de transparence. Par une manipulation extrinsèque et corporellement investie, il y a l’idée d’offrir toute leur contemporanéité à des pratiques marionnettiques veilles de plusieurs siècles : comme l’ombre en relation à la transparence.
Certaines parties du spectacle requièrent l’utilisation de marionnettes-habitables, celles-ci supposent un autre vocabulaire et une tout autre mise en relation des corps. Je pense en particulier au bébé géant en pleurs, pour lequel je ferai appel à des protocoles propres à la danse butô et au BMC (Body Mind Centuring). Dans une certaine lenteur le butô permet à ce bébé progressivement de se relever jusqu’au 4 pattes voire, jusqu’à la verticale. Le BMC, nous permet une mise en conscience de toutes les chaînes osseuses, musculaires, fibreuses etc. pour accéder à cette marche potentielle. `
Les masques de visages permettent par ailleurs de mettre l’accent sur le corps des interprètes et non sur les visages, afin de désincarner au maximum leurs présences.
J’ai la sensation que cette pièce s’écrira selon une certaine alternance rythmique : comme s’il y avait cette intuition que certains personnages devront se déployer dans une certaine lenteur et d’autres, non sans une certaine agitation. Les modes de rencontres des corps seront empreints d’absurde. Comment pourrait-il en être autrement, dans cette rencontre potentielle entre Diane et ce bébé à échelle géante par exemple ? Des images étranges peuvent donc apparaître en regard des relations entre les différents personnages. Il serait par exemple possible, d’observer ce bébé à 4 pattes se déplaçant avec Diane agrippée sur son dos.