Visite de chantier /Mardi 28 avril / 19h / Ifs
Les Présomptions, Saison 2 fait l’objet d’une commande sur mesure auprès de l’auteur Guillaume Poix et constitue la suite d’une 1ère saison. À travers cette création, l’objectif principal du collectif est de défendre une écriture contemporaine avec ses outils de prédilection : le théâtre de marionnette et l’écriture musicale.
La Saison 2 des Présomptions est construite à l’image de la précédente : divisée en trois épisodes d’environ 20 minutes au cours desquels nous retrouvons les mêmes personnages que dans la saison 1, dix ans plus tard, dans un aéroport. L’écriture de la saison 1 s’adresse principalement à un public adolescent, la saison 2 est tout public. Elles abordent largement la notion de “présomptions” et développent notamment un discours sur les rapports homme-femme. Le collectif interroge ainsi la manière dont notre pensée est guidée et dont nos échanges sont pris en étau par des codes de langage.
« Conçue comme une partition musicale où la choralité est un défi majeur, Les Présomptionsassemble des notes jubilatoires qui s’empilent pour former tantôt une symphonie, tantôt une cacophonie, questionnant avec légèreté et rudesse notre besoin d’exister pour l’autre avant de se trouver soi-même. Après avoir exploré les terrains de la construction sociale de soi au sein d’une communauté d’adolescents, et grâce à la sollicitation enthousiaste du Printemps du machiniste, j’envisage de prolonger l’existence des personnages croisés lors de cette première aventure. J’aimerais continuer d’interroger la notion de groupe et de traquer les micro-événements traumatiques qui font de nous des étrangers, des différents, des marginaux aux yeux des autres. Qu’est-ce qui nous distingue ? Qu’est-ce qui nous singularise ? Comment parvenir à affirmer et assumer ses différences au sein d’une cellule qui favorise toujours le conformisme ? Les personnages des Présomptions qui hantaient déjà des lieux vacants – un square, une berge, un couloir – se retrouveront cette fois, quelques années plus tard, devenus des représentants de la génération easy jet, dans ce que Marc Augé a identifié comme des ‘non-lieux’, ces espaces de notre modernité caractérisés par la contractualité solitaire, l’anonymat et l’éphémère. Ce sont des halls de gare, des aéroports, des aires d’autoroute : avatars cosmopolites des lieux quotidiens, familiers et adolescents traversés dans la première saison des Présomptions, seuils aseptisés et anxiogènes d’où partir explorer le monde. Dans ces endroits peuplés tant d’hôtes et d’hôtesses que de voyageurs muets, notre rapport à la mobilité s’agence, notre individualité s’affirme en même temps que nous devenons interchangeables – fades ? Ici, la rencontre est un événement exceptionnel, elle surgit comme un inédit, manière de tuer le temps ainsi que l’espace qui nous contient. Manière de défier les proportions inconcevables qui nous transforment en particules de poussière. Dans ces non-lieux qui se ressemblent quasiment tous, unis par l’universalité d’un code architectural, quel sens peut prendre la rencontre d’autrui ? Est-ce que ces lieux génèrent un langage uniforme ? Est-ce que l’inédit peut surgir, est-ce que nos présomptions langagières, syntaxiques et stylistiques seront battues en brèche ? Pourrons-nous nous extraire des gaines de l’individualisme high-tech ? C’est tout le sens de la quête d’écriture que je souhaite engager. »
Guillaume Poix
« Issu d’une famille d’architectes, je me suis interrogé très tôt sur la manière dont les êtres humains construisent et habitent leurs espaces de vie. La rencontre avec Guillaume Poix lors de la saison 1 a donné sens à ces questionnements. La commande d’écriture pour la saison 2 surgit au beau milieu d’une société en mutation où la gentrification des quartiers modifie considérablement les connexions possibles entre les classes sociales, où la question de la place des femmes dans l’espace public devient incontournable. Une époque où les Zones À Défendre reflètent à mon sens des lieux d’espoir et de construction d’avenir, un endroit où soudainement les citoyens se positionnent de manière individuelle et collective comme étant les propres acteurs et architectes de leur environnement, de leur société. Mon apprentissage du théâtre et de la musique dans la rue m’ont amené à considérer les salles de théâtre comme des espaces publics dans lesquels la pluie et le froid ne rentrent pas. Dans la saison 2, je souhaite interroger l’architecture des aéroports, nommés «hyper- lieux» par l’anthropologue Michel Lussault. Il décrit ces endroits où le corps est contraint, par le pouvoir de la peur et de l’argent, induisant un espace de marquage social intense. C’est dans cette même logique que je souhaite interroger l’architecture du théâtre lui même et la façon dont les actrices, les marionnettes, les spectateurs vont habiter cet espace ; scénographiquement, nous le considèrerons dans son entièreté, comme un espace de jeu unitaire, abolissant les frontières entre la scène, la salle et le hall. »
Louis Sergejev
La saison 2 des Présomptions débute dès l’entrée public. Un échantillon de parfum est distribué à la billetterie. Au moment de l’entrée en salle, une question est affichée au croisement de deux parcours. « Pensez vous qu’il s’agit d’un parfum pour homme ? Pour femme ? » Le spectateur est invité à faire un choix, à le valider sur un buzzer, puis à emprunter le chemin correspondant à sa décision. Les deux guide- files conduisent le spectateur à emprunter des circuits qui traversent le plateau. Il se retrouve tour à tour observateur ou observé, avant de venir s’installer en salle. Au plateau, un compteur digital affiche le nombre de personnes ayant choisi l’une ou l’autre des réponses. Lorsque les derniers spectateurs sont assis, trois marionnettes à échelle humaine descendent depuis les hauteurs et se retrouvent dans les guide-files. Chacune est suspendue par une guinde et toutes sont manipulées par une seule et même marionnettiste, tandis qu’un comédien leur donne la parole à distance. Dans leur attente pour passer la Zone de Contrôle, l’un des trois personnages se rend alors compte que c’est une femme qui occupe le poste de vigile… Le collectif utilise ainsi le parallèle habile entre la manipulatrice qui donne vie à ces trois garçons et la vigile dont ils discutent – l’un d’entre eux refusant de se faire fouiller au corps par une femme. Lorsque les marionnettes disparaissent, la manipulatrice prend soudain la parole pour évoquer sa condition (voir extrait ci-après). La scénogaphie, ensuite, se transforme le temps d’un intermède et laisse place à un nouvel espace : celui du Duty-Free. Le deuxième épisode commence alors : un couple discute de ses préférences en terme de parfums – discussion qui fait écho à l’entrée public (voir extrait ci-après).
La mise en scène, qui fait appel à la marionnette, et l’interprétation rythmique du texte impliquent une parfaite synchronisation entre parole, geste et musique. Le système de différenciation des voix doit être subtil ; il s’appuie avant tout sur la parfaite connaissance du caractère, des enjeux et des rythmes propres à chaque personnage, plutôt que sur des intonations ou la dissociation de timbre. Ce choix permet d’éviter la caricature et répond ainsi fidèlement à l’ambition de l’auteur de conserver un certain anonymat de ses personnages au service de leur universalité.
Le collectif réfléchit à inverser le rapport entre le réel et la fiction : que les marionnettes, pantins inanimés représentent une situation qui dépeint le réel, pendant qu’acteurs et spectateurs, êtres de chair, vivent un moment de fiction partagé entre chaque épisode. La création des Présomptions, Saison 2 fera donc appel à des pantins d’échelle humaine, les alter-ego des comédiens. L’utilisation de ces pantins s’orientera dans l’exploration des positions d’attente : inertie, contrainte du poids, question d’autonomie… les méthodes de manipulation deviendront des contraintes particulièrement riches pour la recherche en jeu. Au fur et à mesure des trois épisodes, l’échelle des marionnettes réduit : nous invitons le public à s’éloigner petit à petit de l’aéroport dans lequel il est entré au départ, et l’accompagnons ainsi jusqu’au décollage.
Les marionnettes sont construites par Amélie Madeline. Dans la saison 1, les gaines chinoises portent des masques larvaires, évoquant la naïveté et la grande part d’instinct qui régissent l’adolescence ainsi que la quête d’identité qui la traverse. Dans la saison 2, les personnages ont grandi et derrière les traits grossiers de l’adolescence, ceux de l’âge adulte apparaissent, laissant deviner de nouveaux caractères à travers le masque, des identités qui se distinguent les unes des autres. Afin d’évoquer l’aéroport, l’envol, mais aussi les carcans dans lesquels nous sommes enfermés, toutes les marionnettes ont un lien particulier avec la gravité. Celles du premier épisode, sont suspendues à un fil, fébriles, elles arrivent puis disparaissent par le haut. Celles du second
La scénographie de la première saison est constituée d’éléments modulables en métal et en béton qui se réagencent à chaque épisode pour former un nouveau paysage urbain. Dans la saison 2, les mêmes matières sont réutilisées mais en envisageant des changements d’échelle. En effet la scénographie sera à l’échelle d’un hyper lieux : le théâtre. L’espace sera remis à nu, sans pendrillons et certaines scènes seront travaillées en lumière public et chaque élément de scénographie doit donc être en cohérence avec le lieu ; il doit pouvoir appartenir au théâtre ou faire écho à l’aéroport dans lequel Guillaume Poix a décidé de placer sa pièce. Deux éléments principaux entrent en jeu : des poteaux de guidage et une échelle-passerelle. Comme dans la saison 1, les lumières font appel aux objets urbains. Elles s’intègrent à la scénographie : néons, tubes fluo, phares, lampadaires, mais aussi lampes de poche, lampes de chantier, lampes frontales, vidéo- projecteur.
La création des Présomptions, Saison 2 a la particularité de convoquer les codes du cirque : d’une part en utilisant la corde lisse – agrès qui rappelle les guindes entre les guides-file et évoque l’envol et la hauteur – d’autre part en inventant un agrès, entre échelle de théâtre, plateforme d’embarquement et bascule. Une collaboration avec le Centre National des Arts du Cirque (Châlons-en-Champagne), dans le cadre de sa collaboration avec l’Institut International de la Marionnette (Charleville- Mézières) pour constituer la chaire ICiMa, est en cours de discussion pour l’élaboration de cet agrès de cirque : le CNAC envisage d’apporter son aide notamment sur le travail de bureau d’étude quant à la réalisation de l’objet.
Mise en scène et scénographie / Louis Sergejev
Un texte de / Guillaume Poix
Interprétation et manipulation / Dorine Dussautoir, Noé Mercier
Musique / Adrien Alix, Thibault Florent, Mathilde Barthélémy
Construction des marionnettes / Amélie Madeline
Soutiens : Théâtre aux Mains Nues (75), L’Usinotopie – fabriquant d’ailleus (31), Marionnettissimo (31), La Fabrique des Arts (92).
Co-production : Théâtre Jean Arp (92), l’Échalier – La Grange, atelier de
fabrique artistique (41), Le Sablier – Pôle des arts de la marionnette de Normandie – Scène conventionnée – Ifs et Dives-sur-Mer, Le Mouffetard – théâtre des arts de la marionnette de Paris, l’Espace Périphérique (La Villette), Théâtre Eurydice ESAT (78).
Avec le soutien de la Drac Ile de France et du Fonds SACD Musique de Scène.